C'est paisible, ici... [libre]

Le ciel était sans lune. Couvert d'une épaisse couche de nuages, aucun rayon de lumière ne passait. Mais je m'en fichais, puisque je voyais très bien sans lumière ! Je discernais, peut-être un peu plus difficilement que de jour, la moindre fissure dans un rocher, le moindre petit mouvement d'herbe, la moindre variation de teinte dans les vagues. D'ailleurs, celles-ci étaient de toutes beauté, cette nuit. La mer en mouvement créait de magnifiques rouleaux aux teintes bleu marine -qu'un autre loup aurait prit à coup sur pour du noir- très
variées, qui venaient se briser sur l'énorme rocher en haut duquel j'étais allongée. Les embruns me rafraichissaient, humidifiant mon poil épais. La journée avait été chaude, et l'épaisse couche nuageuse conservait cette chaleur.
J'étais perchée là haut depuis des heures, et je ne me lassait toujours pas du spectacle. Je me demandais si un loup autre que moi serait resté comme ça tant de temps a observer la mer, sans bouger... J'avais vu le coucher du soleil, parant la mer de mille couleurs toutes plus splendides les unes que les autres, rendant le ciel déjà nuageux rougeâtre. J'aurais aimé
que cet instant dure plus longtemps, c'était un régal pour mes yeux ! J'avais vu au loin une baleine effectuer un saut majestueux, il me semble même qu'elle me regardais, mais ce fut trop bref pour que j'en soit certaine. Des oiseaux migrateurs s'étaient accordés une pause en bord de mer avant de partir par dessus les vagues et disparaitre à l'horizon. J'aurais facilement put en dévorer un, mais l'harmonie des lieux ne valait pas d'être brisée. Et puis je n'avais pas faim. Je ne tue pas pour le plaisir.
Et puis j'étais restée là, a regarder. On pourrais me prendre pour une statue, perchée là haut et immobile, s'il n'y avait pas cette légère bise qui ébouriffait mes poils. Je huma l'odeur de la mer, une fois de plus. Je ne m'en lassait pas. Me décidant enfin à bouger de mon observatoire. Je commençais la descente des rochers escarpés, sautant d'un rocher à l'autre. Une petite pierre se décrochait parfois à mon passage, provoquant une avalanche miniature dans les failles de la roche. Je sautais une dernière fois, atterrissant sur le sable mouillé de la plage. Une vague un peu plus grosse que les autres parvint à atteindre mes pattes avant. Je frissonnait. Il avait beau faire chaud, l'eau, elle, ne l'était pas.
Je m'apprêtais à quitter cet endroit paisible, quand je sentis une odeur différente de celle de la mer parvenir jusqu'à mes narines. Un autre loup !

[à vous ^^]